Tala Rana est un site touristique de montagne sans infrastructures, situé au pied du mont Tamgout. Lieu de pèlerinage des habitants du versant sud du Djurdjura, il est imprégné de légendes peuplées d'êtres surnaturels. Comme les Pyrénées, les Alpes, les Appalaches, l'Himalaya et les Rocheuses, où les peuples autochtones ont développé des mythologies et des rites sacrés, Tala Rana a vu ses traditions marquer le pas avec l'avènement de la modernité. Les croyances des montagnards, inspirées par la quiétude et le silence des sommets ainsi que par les reliefs imposants et rassurants, témoignent d'une quête de spiritualité et de rapports équilibrés avec leur environnement.
Aujourd'hui, avec un siècle de recul et d'instruction, ces traditions sont souvent regardées avec un œil goguenard et paternaliste. Les multiples pressions subies par les peuples dits "primitifs" ont fait reculer et partir en lambeaux ces belles traditions, transformées en folklores destinés au tourisme.
Les villageois de M'Zarir et d'Ighil Hammad, héros de la guerre de libération, n'ont pas été épargnés par ce changement. Un monde nouveau, bâti sur la force et la violence destructrice, a mis un frein brutal à leur pèlerinage annuel à Tala Rana. Pendant plusieurs années, des bandits ont interdit tout séjour dans la montagne. Vingt ans d'occupation du Djurdjura ont eu raison de la longue procession de femmes et d'hommes qui, chaque fin de printemps, exprimaient leurs vœux les plus chers grâce à une fente appelée "Taq nWadu", une fenêtre métaphysique capable de transmettre des messages par-delà les frontières. Cette cohorte humaine inaugurait le pèlerinage le premier mercredi de mai et le reproduisait chaque mercredi jusqu'à la septième semaine, début de l'été.
Un jeune homme de M'chedellah, rencontré récemment sur les lieux, nous confiait sa douleur de n'avoir pu découvrir Tala Rana qu'en 2010. Cet empêchement, lié à des circonstances de force majeure, a aussi entraîné la remise en cause de nombreux projets et la disparition de maintes activités pastorales, économiques et sociales, ainsi que de traditions millénaires. Aujourd'hui, les habitants du coin s'efforcent de reconstruire cet ensemble pour le bien-être de tous.
Tala Rana, c'est aussi une source d'eau aux qualités minérales incomparables et une dense forêt de feuillus, composée de chênes-lièges et de châtaigniers, à 1400 mètres d'altitude. Ce mariage de l'eau, de la terre et des arbres favorise une faune très riche. C'est le deuxième site, avec le lac Goulmim, où l'on peut trouver la rainette verte en abondance. Selon certains connaisseurs, c'est aussi un site de prédilection pour la hyène rayée.