S'il est un événement d'importance qu'il convient de signaler en cette année de révolution du peuple algérien, c'est bien l'aménagement et l'ouverture d'une nouvelle route carrossable à travers les montagnes du Djurdjura par les seuls habitants d'un village, sans aucune assistance de l'Etat. Le village s'appelle Ait-Ergane. Il est situé à une de soixantaine de kilomètres au sud de Tizi-Ouzou. Pour les villageois, le but est de désenclaver le village. En finir une bonne fois pour toutes avec cette légende d'une "terre céleste là où finit le monde". Le projet de route -et un début de réalisation- fut initié dans les années 80 par une municipalité F.L.N., avant d'être abandonné.
Trois décades plus loin, une nouvelle génération à la tête du comité de village prend le taureau par les cornes et relance le projet. Il convient de souligner qu'aucune étude d'impact ne fut jamais réalisée en amont. Même la direction du Parc National du Djurdjura (P.N.D.) s'y oppose vu que le tracé traverse le cœur même du parc. Cela engendrera inévitablement des conséquences très négatives sur l'équilibre environnemental, faune et flore associés. Mais cela ne se saura, bien évidemment, que dans plusieurs années. Autant dire que pour les Amis du Djurdjura, ce projet est une folie.
D'un autre côté, les At-Rrgan avancent des considérations socio-économiques: Faire du village le lien le plus court entre les wilayas de Tizi et de Bouira. En effet, il est intéressant de souligner que grâce à cette route, le trajet d'Ait-Ergane à Tikjda réduira la distance de 5 bonnes heures. Ce qui permettra aux villageois qui vivent de part et d'autre de la montagne de ressouder un lien fraternel et familial qui avait jusqu'à maintenant tendance à s'atténuer, ainsi qu'un gain de temps considérable lors des déplacements. Cette ouverture géographique permettra également de faire la part belle aux touristes et passagers qui traverseront et découvriront une contrée oubliée du monde et des dieux qui veillent sur le pays. Cela induira peut-être, dans les prochaines années, une reconfiguration socio-culturelle et, on l'espère, un décollage substantiel de l'économie locale, avec la relance de l'artisanat et de l'agriculture de montagne. At-Rrgan seront pour sûr un lieu de transit recherché de par son hospitalité et ses paysages uniques en Algérie. Nous qui habitons loin, loin des affres de l'isolement et des hivers rigoureux, sommes très mal placés pour rendre un quelconque jugement quant à la construction de cette route. Ensuite, les initiateurs du projet - Il n'est jamais trop tard - pourraient engager un sérieux travail de réflexion et prendre des mesures concrètes, dès aujourd'hui, afin de réduire l'empreinte écologique à sa plus simple expression.