Les métiers liés aux activités en montagne sont nombreux, mais, chez nous, la montagne n'a pas fait naître beaucoup de vocations. Il faut dire que les pouvoirs publics en général et nos élites en particulier n'ont jamais cultivé une ambition quelconque pour la montagne, qu'elle soit kabyle ou autre en termes de développement, d'innovation ou d'épanouissement humain. Les montagnards fort sollicités en temps de difficulté et aux heures sombres de l'Histoire du pays pour lequel ils n'ont cessé de consentir tous les sacrifices, sont devenus la cinquième roue du carrosse aussitôt l'indépendance recouvrée. Quelle ingratitude et quel désenchantement! Cruelle désillusion.
Le berger:
Dur et beau métier que celui de garder les troupeaux. Contrairement à l'idée établie, le métier de berger n'est pas seulement d'accompagner et de surveiller les animaux dans leur quête de fourrage vert. Il consiste aussi à guider les moutons ou les bovins dans des endroits où ils courent le moins d'accidents possibles, à l'abri des agressions des différents prédateurs. Armé d'un bâton et accompagné d'un chien ou de plusieurs, il inspecte sans cesse les parages, pour permettre à ses bêtes de paître dans la tranquillité. Le berger doit savoir reconnaître la souffrance d'un animal et le soigner, ainsi qu'aider à la mise-bas des femelles. Il doit être, en outre, capable de tondre les ovins et de traire les chèvres. Pendant la période estivale, il conduit son cheptel sur les pâturages de haute montagne et en hiver, il se charge lui-même de leur donner le foin. Il s'agit d'un des métiers les plus vieux du monde. Depuis que l'homme avait commencé à apprivoiser des animaux pour leur utilité domestique, il en était devenu berger (ou bergère). Dans le Djurdjura, c'est un métier qui existe encore. Il s'apprend sur le tas, reprenant souvent une tradition familiale. Par contre, en Europe, ceux qui veulent devenir bergers peuvent aussi y accéder au terme d'une formation de plusieurs mois (CAP agricole).
Sans l'éleveur, le berger ne pourrait pas exister. L'éleveur possède, nourrit et soigne les animaux pour leur viande, leur lait ou leur peau, pour le bénéfice commercial qui peut en être tiré. C'est un métier ingrat et difficile qui laisse trop peu de temps aux loisirs. Mais c'est un métier qui est capable de créer toute une dynamique de développement autour de lui, notamment dans l'agro-alimentaire artisanale.
Ce métier qui pendant longtemps était la chasse gardée des montagnards est accessible, de nos jours, à beaucoup de citadins passionnés de montagne. Le guide, c'est celui qui encadre les touristes, désireux d'aller dans la montagne et y effectuer en toute sécurité escalades et randonnées. C'est quelqu'un qui ne doit rien ignorer des dangers de la montagne, qui doit maîtriser parfaitement les techniques d'escalade. On ne peut pas être guide de montagne si on n'est pas bon alpiniste, c'est une condition sine qua non. D'ailleurs beaucoup de guides de par le monde sont aussi des moniteurs des sports de montagne. Un guide de montagne, c'est donc plus un sportif qu'un amoureux de la nature. Malheureusement, chez-nous, il n'existe pas de formation qui qualifie à ce métier. C'est l'un des rôles que les associations pourraient s'octroyer et auquel elles devraient réfléchir.
En principe, si tu es un très bon skieur, tu pourrais envisager de devenir moniteur de ski. Sous d'autres cieux, pour ce faire, on doit passer un brevet d'état d'éducateur sportif. Mais il n'est pas donné à n'importe qui de le réussir, car non seulement la sélection est des plus rigoureuses, mais en plus des connaissances techniques, il faut prouver de grandes capacités de pédagogue. La formation dure trois ans en moyenne et les candidats nombreux. Qu'en est-il en Algérie? J'avoue ne pas en savoir grand chose, la fédération nationale de ski et des sports de montagne ne possédant même pas un site internet!!
Il est relativement aisé de remarquer que le moniteur d'alpinisme est souvent un ancien passionné de cette discipline qui, à force de persévérance et d'endurance, est resté dans le métier, moyennant quelques stages et regroupements réalisés chez-nous ou à l'étranger. Mais avoir une bonne technique et une maîtrise totale de l'escalade ne sont pas des conditions suffisantes pour devenir un bon moniteur. Comme pour le ski, il faut des qualités de pédagogue, un sens aigu des responsabilités, une science de la biodiversité et de l'environnement...pour le devenir. Un programme de formation regroupant toutes les associations d'alpinisme et d'escalade ne serait pas inutile.
Au niveau du Parc National du Djurdjura, le rôle de cet animateur est double : technique et pédagogique. Tout en travaillant à la protection de la faune et de la flore de nos montagnes, il organise des sorties et des activités de découverte collectives dans le but de sensibiliser et d'éduquer, notamment en direction des écoliers, des collégiens et des étudiants.
Pour permettre à ce métier de voir le jour, il faut que déjà nos communes mettent en place, pour promouvoir notre patrimoine naturel et culturel, des bureaux ou des offices de tourisme (appelez-les comme vous voulez).
En développant l'agriculture et les sports de montagne. En remettant au goût du jour l'artisanat local, on crée tout naturellement une autre filière qui est celle du tourisme.
Et pour accueillir les touristes, les informer, leur vendre des produits et des services, il faut des employés de tourisme ( hôtesse, guide, chauffeur, commercial, administratif...).
Créer un office du tourisme au niveau local peut aussi être une initiative des différentes filières liés à la montagne qui, en s'associant, créeront des conditions favorables au développement de leurs professions et ce faisant, de leur région. Nul besoin de passer donc par les autorités publiques si ce n'est pour les autorisations nécessaires. C'est ce qu'on appelle des syndicats d'initiatives.
Protecteur de la faune du Djurdjura en puissance. Son travail consiste à suivre les populations d'espèces animales et à évaluer leur nombre. Il est capable d'expliquer par ses observations, leur déclin ou leur surnombre. Il les capture, les marque par le baguage (il organise des lâchers) pour empêcher le braconnage et maintenir l'équilibre des milieux.
C'est le gendarme de la faune, chargé de veiller sur elle contre toutes sortes de criminels. Il peut verbaliser et il joue un rôle d'auxiliaire de justice. Il travaille étroitement avec le technicien cynégétique.
C'est le gendarme de la flore, chargé de la protéger, de la gérer et de contrecarrer les tentatives de malveillance. C'est aussi un auxiliaire de la justice.
C'est celui qui, à partir des produits agricoles de la montagne, a réussi à créer son activité artisanale : transformation de produits laitiers ( yaourts, fromages, lait fermenté...), commercialisation de viande rouge ou blanche, poulaillers, conditionnement de fruits et de fruits sauvages, production de miel, tannerie, travail de la laine, huilerie....etc.
Ces métiers dont il ne reste guère grand chose dans nos montagnes, sont pourtant des métiers à plein temps et à part entière, susceptibles de nous enrichir financièrement et culturellement. Les matières premières et la main d'oeuvre existent, mais il manque une politique de développement en amont. Il faut dire que plus de 20 ans d'activisme du patronat national, n'ont pas réussi à mettre en place de petits réseaux de chambres de commerce et de l'artisanat efficaces, à même de mettre en valeur un riche potentiel. Nos grosse fortunes réunies en syndicat compradore, sont beaucoup plus soucieuses de thésauriser et de servir l'intérêt des puissants que travailler pour une économie nationale au service du pays. Le jour où ces "bourgeoisies" auront assez de culture pour prendre conscience de l'éminence de leur rôle dans la marche vers l'avant de notre société, ce jour-là, les choses se mettront en place d'elles-mêmes. En attendant, ces riches citoyens sont obligés de se rendre à l'étranger pour éduquer leurs enfants, pour se soigner ou pour passer d'agréables vacances.
Pour conclure, disons qu'une économie saine, c'est celle qui sait réunir plusieurs filières même d'apparence incompatibles, les amener à travailler ensemble et unir leurs forces pour créer les conditions d'une économie durable. Dans le Djurdjura, tout reste à développer et l'avenir est devant nous. En matière de sport, les associations seront appelées à jouer un rôle primordial pour mettre en place d'elles-mêmes toutes les procédures qu'il faut à la pratique de leurs disciplines respectives dans le souci de protéger l'environnement, c'est à dire penser la pratique du ski, par exemple, non comme une industrie qui rapporte énormément d'argent - ce qui est le cas en Europe-, mais seulement comme un sport dont le but est l'épanouissement de ses adeptes, sans évacuer bien évidemment la facteur rentabilité, non pour un enrichissement sans fin mais pour une valorisation des investissements, y compris humains.
Dans l'agriculture et l'agro-alimentaire, privilégier les petites unités de production et se regrouper en coopératives pour réduire les coûts, se donner les moyens comme créer des chaînes de froid et des réseaux de distribution.
Dans le tourisme, accompagner toutes les associations et les coopératives par des plans de communication et de marketing, faire participer l'ensemble à l'effort collectif et veiller à également répartir les retombées de ce développement, en participant à la création de centaines de postes saisonniers, et toutes les saisons sont bonnes pour aller dans le Djurjdura, d'où la garantie d'une activité quasi-permanente.
En matière d'environnement, enfin, les métiers de demain sont ceux liés à l'écologie. A ce propos, le parc national ne peut faire l'économie d'une réflexion profonde à l'accompagnement des activités économiques et sociales dans le Djurjdura - si ce n'est déjà fait - , ceci pour un développement réellement durable et un tourisme non seulement économique et écologique, mais également solidaire.