Les intempéries exceptionnelles qui s'étaient abattues en février sur l'Algérie n'ont pas fini de produire leurs effets. Il fallait s'y attendre. Ces accidents de la nature qui, heureusement, ne sont pas légion et ne se produisent que très rarement, sont pourtant utiles pour rappeler à l'homme qu'il n'est pas le maître tout puissant de son environnement, quand bien même il passe son temps à le façonner à son image. Réduire un cours d'eau à sa plus simple proportion ou le faire carrément disparaître pour gagner des terres agricoles ou des terrains à construire, ne peut se faire impunément : un jour, la nature nous rattrape et corrige les erreurs, parfois au prix fort et de façon dramatique. Mais, par delà l'intervention de l'homme pour remodeler le relief et la topographie de son milieu qui, bien sûr, a toujours des conséquences, les pluies diluviennes et l'excès d'eau font que les sols ont un comportement naturel en réaction de ce qu'ils subissent. À ce titre, nous n'avons pas cessé d'observer les mois derniers, ça et là, toute une série de glissements de terrains, et la réaction des sols est toujours difficile à prévoir.
Ce qui se passe dans quelques villages de la commune d'Illilten, à l'extrémité orientale du Djurdjura, depuis maintenant une semaine, en est la parfaite illustration. La presque nudité des flancs de montagne, partiellement déboisés, ont facilité une érosion gigantesque qui s'est transformée en une coulée de boue charriant tout sur son passage : terre, rochers, troncs d'arbres, végétation et bâtiments menacent de réduire à néant les deux villages d'Aït-Attalah et d'Aït-Aïssa Ouyahia. ( voir la vidéo en lien )
Quand les sols sont saturés, jusqu'à ne plus pouvoir retenir le moindre millilitre, les conséquences sont souvent nombreuses et désastreuses et pour les hommes et pour la nature. En effet, après les intempéries, suivront les crues et les inondations. Inévitablement. Les terres gorgées d'eau deviennent des endroits où rien ne pousse. Les semences germent peu et les plantes qui arrivent à immerger sont, dans la plupart des cas, rabougries ou flétries par asphyxie. Il ne faut pas s'étonner dès lors d'observer par endroits la disparition ou la pauvreté du couvert végétal. De même, les forêts s'en trouvent fragilisées et les arbres situés dans des endroits à forte pente sont parfois déracinés brutalement, entraînant dans leur chute des dizaines de mètres cubes de pierres et de terre.
Les détonations sourdes et terrifiantes que d'aucuns entendent, venant des entrailles de la montagne, ne sont rien d'autre que l'ouverture de passages, sous la pression explosive de la force des eaux contenues entre les parois internes des rivières souterraines, qui se frayent ainsi des ouvertures par la force ou reprennent tout bonnement leur droit sur d'anciennes galeries abandonnées. Les prochains mois verront certainement la naissance de nouvelles sources d'eau partout dans le Djurdjura.
L'été qui approche, avec ses grandes chaleurs, fera évacuer toute l'humidité superficielle par un phénomène d'assèchement naturel des sols et résorbera de la sorte l'essentiel du problème. Il aurait peut-être fallu, dès les lendemains d'intempéries, réunir des équipes d'hydrauliciens, de géologues et de forestiers, pour en évaluer l'impact et les retombées, et anticiper scientifiquement le comportement des sols, l'évacuation du trop plein d'eau par des systèmes de drainage qu'eux seuls sont en mesure de conseiller, et parer ainsi aux menaces qui ne manqueraient pas de peser sur les populations et leurs biens. Encore une fois, nous constatons que les services techniques de l'Etat n'ont pas été au rendez-vous. C'est ça qu'il s'agit de construire prioritairement en Algérie : un Etat pérenne et des services publics viables et fiables prompts à réagir pour le bien des populations. Nous en sommes encore très loin.
Il importe aussi de penser à une action de reboisement d'envergure là où les sols ont été mis à rude épreuve, afin de les fixer et de les consolider définitivement. Et puis, porter attention à nos rivières en évitant d'en faire des décharges sauvages, pour ne pas obstruer l'écoulement des eaux naturelles.
Grande érosion sur plusieurs kilomètres dans la commune d'Illilten - Iferhounène ( Ph. Mohand Oulamara )