Autrefois baptisée «Bois Sacré», la forêt de Yakouren est à présent devenue le bois empoisonné.
Il sera bientôt impossible de respirer l’air pur à Yakouren. L’oxygène et les senteurs des plantes sont progressivement remplacés par les dioxines, les oxydes d’azote, de souffre et des métaux lourds. Tous cancérigènes. Le désastre écologique est causé par une décharge publique dont il est difficile de connaitre l’étendue, vu la forte toxicité aux alentours, aménagée au cœur du massif forestier depuis de nombreuses années. Spontanée ou délibérée, l’incinération des tas d’ordures provoque des nuages de fumées toxiques qui enveloppent la localité sur des kilomètres à la ronde.
Les habitants des quartiers à la sortie est d’Azazga se calfeutrent dans leurs domiciles, recourant à l’air conditionné dans leurs maisons pour échapper aux fumées chargées de substances toxiques. Les terrasses des cafés se vident. Quant aux malades hospitalisés à l’EPH situé à la lisière de la forêt, leur sort doit être dramatique.
L’EPH enveloppé de fumées toxiques
Le calvaire des malades livrés à la détresse respiratoire n’émeut pas outre mesure les autorités. Elles plongent la tête dans le sable, de préférence très loin de Yakouren. Cette localité n’a pas été au programme de la dernière visite de la ministre de l’environnement effectuée la semaine passée dans la wilaya de Tizi Ouzou. Si une visite ministérielle se résume à inaugurer le nouveau siège de la direction de wilaya, la collectivité gagnerait à faire l’économie des dépenses pour un événement protocolaire sans incidence sur le secteur.
Pour le secteur du tourisme, l’on préfère regarder dans d’autres directions, sur le littoral précisément, n’ayant pu obtenir le classement des zones de montagnes pourtant proposées à l’administration centrale. La dernière fois où l’on a parlé d’un projet d’aménagement touristique à Yakouren, ce fut il y a 20ans. L’OGZET (office de gestion des zones d’expansion touristique) avait esquissé un projet de création d’un village touristique aux alentours du «Bois sacré».
L’office de gestion fut dissous par le wali de l’époque qui refusait d’accompagner les activités de cet organisme créé par l’APW RCD, laquelle avait installé comme DG un jeune architecte de 28ans, M. Aoudj. Puis, ce fut la guerre et le terrorisme, les ratissages et les pilonnages provoquant des incendies récurrents. Aujourd’hui, les monceaux d’ordures prennent la place des groupes terroristes et ce ne sont pas les feux de forêt qui menacent le couvert végétal, mais les incendies d’ordures, dont les émanations toxiques contaminent l’eau, la terre, les plantes et l’atmosphère.
Les automobilistes empruntant la RN12 traversant ce massif forestier n’en reviennent pas quand ils se retrouvent dans des nuages de fumées suffocantes. Vitres fermées et parfois des antibrouillards pour traverser la forêt de Yakouren en plein été, c’est l’un des paradoxes intolérables de ces dernières années. Les autorités qui ne s’aventurent pas dans cette contrée en pleine décomposition se donnent bonne conscience en répétant que c’est la faute aux villageois qui s’opposent à la réalisation des CET (centres d’enfouissement techniques) à travers la wilaya. C’est peut-être la faute des villageois qui s’opposent aux projets mais c’est l’échec des autorités qui livrent un bilan empoisonné.
Djaffar Tamani, El-Watan, 27/07/2014