Les défenseurs de l'écologie, quelle que soit leur appartenance, doivent veiller à ne pas transformer leur passion ou leur lutte en un nouveau dogme. L'écologie doit rester un espace de débats, ouvert à la critique, à la contradiction, et à des remises en question constantes. Il s'agit d'une "science" qui ne doit pas être pleine de certitudes, mais riche de questionnements. Un ensemble non figé, en perpétuelle évolution, où la liberté individuelle trouve tout son sens.
Il ne faut jamais chercher à instaurer des rituels, un vocabulaire ou des actions immuables, car la protection de la nature ne sera durable et efficace que si l’on laisse une large place à l'intelligence et à la liberté de chacun.
Pas de dogme donc, pas de coutumes ni de nouvelles valeurs imposées, mais un travail pédagogique constant, des études comparatives étendues dans le temps et l'espace, des références solides, des résultats concrets, et enfin, un cadre de vie sans cesse amélioré.
Si le rôle des religions est de conditionner l'homme en le menaçant des châtiments de l'enfer pour qu'il respecte une morale, des règles ou un contrat social, celui de l'écologie ne doit pas consister en un forum géant où l'homme serait continuellement culpabilisé et menacé d'une apocalypse imminente s'il ne change pas ses habitudes. Il s'agit plutôt de montrer qu'un monde meilleur est possible, un monde où chaque être vivant aurait sa place, où la fatalité serait bannie, si nous sommes capables de révolutionner – ou plus justement, d'adapter – notre façon de vivre et de fonctionner.
Soyons clairs : en défendant l'environnement, l'objectif n'est pas de créer deux mondes séparés et parallèles, avec d'un côté les hommes vivant confortablement dans des centes urbains, et de l'autre, une nature sauvage où la faune et la flore seraient Reines, que personne n'oserait déranger sauf pour les observer de loin avec des jumelles.
Défendre l'écologie, c'est être capable de concilier ces deux mondes, voire de les réconcilier, en construisant des passerelles constructives et surtout complémentaires entre eux, en rééquilibrant une balance qui, jusqu'ici, penche plutôt en notre faveur.
Dans le cas du Djurdjura, que je cite comme exemple, il ne s'agit pas de faire du parc national une zone interdite à toute présence humaine, mais de revoir notre relation avec cette montagne de manière intelligente et rationnelle, surtout lorsque nous savons qu'elle recèle une richesse naturelle exceptionnelle et rare en Algérie, comparable à celle des pays de l'hémisphère nord ou de l'Afrique profonde, présentant un intérêt à la fois scientifique, culturel et économique. Il appartient avant tout aux habitants locaux de s'organiser autour de ce bien commun, pour déterminer comment en tirer profit tout en le préservant. Toutefois, leur bonne volonté seule ne suffira pas à surmonter les menaces qui pèsent sur cet écosystème. Les pouvoirs publics doivent également jouer leur rôle, notamment en matière de réglementation et de soutien aux initiatives et projets.
Nous prenons tous plaisir à nous rendre dans cette montagne pour y respirer l'air pur. Notre plus grand défi, et aussi notre devoir, est de faire en sorte que dans 100 ou 200 ans, ceux qui viendront encore ici puissent ressentir les mêmes sensations de bien-être et de liberté.
L'écologie n'est pas, et ne doit pas devenir, une nouvelle religion, même si elle en a parfois l'apparence (avec ses dévots et ses faux dévots). Elle devrait être un lieu de rencontres et de partages : rencontres entre les hommes d'abord, puis avec la nature. Partage des connaissances, mais surtout des efforts et des contraintes. L'écologie telle que nous la concevons est l'économie, la culture, l'identité, et le modus vivendi – au sens de mode de vie et de compromis – de demain. Tenter d’y échapper serait s'aliéner définitivement et nous mener droit vers une impasse ou un chemin tortueux.
Alors, l'écologie... une nouvelle religion ?