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Amis du Djurdjura

Amis du Djurdjura

Djurdjura, un lieu-dit de la planète Mars.


Dire adieu aux arbres.

Publié par ⵉⵎⴻⴷⴷⵓⴽⴰⵍ ⵏ ⵊⴻⵕⵊⴻⵕ sur 24 Août 2012, 14:38pm

Catégories : #LibrOpinion

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Nous en sommes à dire adieu aux arbres. À abandonner leurs troncs squelettiques sans les enterrer, ni même nous retourner. À quoi bon un dernier regard. C'est que nous avons pris nos vacances pendant que le feu ravageait nos forêts. Ceux d'entre nous qui ont choisi de les passer en Kabylie en sont repartis tout remués. Non pas parce qu'ils ont été pris d'émotion à l'occasion de retrouvailles longtemps attendues et maintes fois différées, mais à cause de l'effarant état des lieux. Le délabrement de la société et la dégradation de l'environnement sont tels que nous en sommes arrivés à douter de l'efficience de toutes les actions réunies et de toutes les bonnes volontés; qu'elles soient individuelles ou inscrites dans un cadre associatif et collectif.

Le temps se répète. Désespérément. Chaque été, notre région connaît une grave agression contre la nature. Des centaines d'hectares partent tous les ans en fumée, sans que cela n'émeuve plus que ça. L'Etat ( y a t-il encore un état digne de ce nom? ) ne tire pas de leçons des sinistres passés et ne prend aucune mesure nouvelle et rigoureuse à même de ne plus reconduire le lamentable échec. En un mot comme en mille, l'Etat s'en f... "républicainement" de cette étrange notion qu'on appelle respect de l'environnement. Parce que dans le cas contraire, il aurait pu, depuis le temps que l'on crie "Au Feu!" acquérir quelques canadairs pour équiper la protection civile. Le prix d'un bombardier d'eau est légèrement inférieur à celui d'un avion de chasse dernière génération, sauf que le premier peut rendre énormément plus service, surtout dans des endroits aussi inaccessibles que la montagne du képi du gendarme ( La forme de la montagne rappelle celle du chapeau porté pendant la révolution française) ou des terrains fortement accidentés comme sur les hauteurs de Yemma Gouraya. Pourtant, de part et d'autre du Djurdjura, comme dans la vallée de la Soummam, à 2 jets de pierre, nous disposons de plusieurs gigantesques plans d'eau pour envoyer ces hydravions, à l'efficacité prouvée, emplir leur soute. Et la mer n'est pas loin non  plus. Cependant, thésauriser, paraît-il, semble être un mode de gouvernance qui ne court pas de risques quand les compétences sont chassées de partout et marginalisées. En 2009, le bruit avait couru que les responsables algériens avaient décidé de l'achat de quelques unités de cet appareil. Quid de ce projet utile en 2012? Et en 2016? Que de temps perdu! Et, surtout, combien de milliers d'hectares de forêts consumées depuis? Combien de vies animales et végétales sacrifiées à jamais?

Face à ces atteintes à répétition à notre couvert forestier  qui rétrécit comme une peau de chagrin d'année en année, avec toutes les conséquence que cela ne manquera pas d'induire sur la vie des espèces, et par conséquent sur la nôtre, nous en sommes arrivés à la conclusion que la solution à apporter doit aller bien plus loin que le simple bout de sparadrap à coller sur une Urgence Vitale : Il nous faut y administrer une thérapie de choc. Nous devons donc tous nous mobiliser pour trouver des solutions durables et efficaces et augmenter ainsi les capacités de résistance face aux diverses menaces. Continuer donc à  bloguer pour ne pas dire "à blaguer" sur les réseaux sociaux, comme si nous étions dans un monde normal, est inutile. Et le risque, dans une société acculturée, est justement d'obtenir le résultat inverse de celui recherché : en croyant sensibiliser aux beautés de la montagne, on ne fait réellement qu'attiser la haine chez les misanthropes et les tarés de toutes obédiences. Dieu sait qu'ils sont nombreux. 

Instaurer un Etat démocratique, légitime et fort, pourrait venir à bout du marasme dans lequel baigne la Kabylie ainsi que toutes les régions d'Algérie. Mais cet Etat ne pourrait être créé que si le peuple est homogène dans ses aspirations, clair dans ses revendications. Dans le cas où les rêves sont émiettés et disloqués, subsistera la possibilité de s'organiser autrement, dans des ensembles régionaux à la large autonomie, autour d'affinités et d'intérêts communs. Des ensembles complémentaires et solidaires. Oui, nous savons que nous n'inventons rien, que nous ne faisons que marteler ce que d'autres n'avaient pas arrêté de dire avant nous. Toutefois, nous y ajouterons que pour y parvenir, un changement global s'impose à nous. Afin d'aller vers ce changement de système, nous ne pouvons pas échapper, d'abord, à une introspection; une sorte de remise en cause de nous-mêmes. En effet, comment et pourquoi revendiquer un changement radical de régime, de schémas et de politiques publiques, quand la société elle-même, terreau par excellence de toutes les institutions de la République, est gangrenée jusqu'à ne plus être capable de mettre en place ne serait-ce qu'un modeste système de veille environnementale, préférant crouler sous les ordures? Quand le voisin d'en face, toute honte bue, sans aucune forme de scrupule, profitant justement de la vacance de l'autorité, érige une bâtisse qui empiète d'un mètre sur la voie publique? Quand l'avocat, sans éthique, censé défendre le droit, que vous payez pour le règlement d'une affaire, s'en va joyeusement retrouver son confrère de la partie adverse pour une entente cordiale, dans le seul but de vous plumer tous les deux comme de vulgaires canards? Quand le médecin spécialiste, répondant au serment des hypocrites, que vous consultez et à qui vous vouez une confiance sans bornes, vous recommande de subir une radio fort coûteuse, et que, pour sa bonne fortune et par le plus heureux des hasards ( pour lui bien évidemment ), il se trouve être associé dans le centre de radiologie auprès duquel il vous recommande? Quand le cadre, chargé de superviser et de suivre un chantier confié à une entreprise étrangère, ferme les yeux sur des manquements, en échange de quelques ridicules visas pour sa famille? Bien entendu, de ces quelques cas pris au hasard pour servir d'exemples, je n'en fais pas des généralités, mais je n'en suis guère loin.

Il y a quelque chose de pourri jusqu'à la racine dans le royaume des arbres. Se résoudre à y mettre le feu ne fera, finalement, que précipiter son agonie qui n'a que trop duré. Optimistes par nature, mais aussi un peu résolument, nous savons, comme sur la photo qui accompagne cet article, que des troncs d'arbres gisants, donnés pour définitivement morts, renaîtront de jeunes et vigoureux rameaux qui peupleront de nouveau, têtus, la vaste forêt. 

Quel destin que le nôtre! Pris en otages dans un cercle infernal où pouvoir et pans entiers de la société se confondent dans leur agissement cupide, faisant fi de toute règle morale, créant de la sorte, autour de nous, un voile épais qui rend impossible de voir clair comme il nous complique d'en sortir, à moins d'un miracle. Car ce système tant décrié, aura réussi le tour de force de tout corrompre autour de lui, par une forme de clientélisme, dans ce que ce mot a de politique, ouvertement assumée et surtout par une volonté de laisser-faire et de laisser-aller qui encourage à abandonner les bonnes manières et les saines pratiques. Quels sont aujourd'hui ces citoyens qui pourraient se targuer de n'avoir absolument rien à se reprocher? Combien sont-ils vraiment? 

Nous nous disons enfin, que si le pouvoir s'était ingénié tout ce temps, que s'il avait mis autant d'énergie et de moyens à bâtir un pays au service de ses citoyens qu'à piéger et désorganiser les populations, nos vacances d'été, nos montagnes et nos forêts ne seraient que plus belles.

 

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