Nous poursuivons donc notre voyage dans cette partie des Pyrénées. Aujourd'hui, nous faisons un grand tour, en passant par la principauté d'Andorre et en incursion en territoire espagnol. Nous empruntons la route nationale 22, seul axe qui y mène. La circulation est fluide, et plus nous montons en altitude, plus le brouillard se densifie. Passé le poste des douanes, apparaît Pas de la Casa, petite ville adossée à la frontière française. De loin, nous sommes frappés par les façades aux couleurs bigarrées et une architecture rappelant les villes accrochées aux montagnes népalaises. La comparaison s'arrête là.
Nous y marquons une première halte et faisons le tour des commerces : les Marlboros sont proposées à 23 euros la cartouche, et les parfums sont à moitié prix par rapport à la France. Nous nous lassons vite et reprenons la route. À la sortie de ce gros bourg, avant d'arriver au col (Port en catalan) d'Elvira à 2408 m, nous remarquons sur la gauche, dominant Pas de la Casa, une très belle station de ski. Il commence à neiger et la visibilité est quasiment nulle. Des Andorrans, au volant de voitures rutilantes (souvent des 4x4 adaptés), nous dépassent à toute vitesse. Nervosité ou habitude ? Tout au long de la route étroite, construite entre montagne et précipices, qui descend vers la capitale (20 000 habitants), nous notons une multitude de stations de carburant se concurrençant. Le prix du gasoil est en moyenne de 55 centimes. Certaines boutiques offrent même des bons de réduction sur le carburant à partir d'un certain montant d'achats. Avec des marchandises détaxées, la principauté peut se targuer de faire de l'ombre à toute l'Europe capitaliste et commerçante. Qui dit mieux ?
Nous arrivons enfin dans la capitale d'Andorre après plus d'une heure de route. Située dans une cuvette, à plus de 1400 m d'altitude (capitale la plus haute d'Europe), la ville est plutôt jolie, calme, accueillante de prime abord. Nous choisissons une table dans un restaurant du centre-ville pour déjeuner. Le menu est illisible (écrit uniquement en espagnol) et le personnel (que des femmes) peu ouvert aux autres langues.
- Do you speak English?
- No (un "no" ibérique).
- Parlez-vous français?
- No.
- Tettmeslayem tamazight?
- No.
- Tatakalamun al-aarabiya?
- No.
Toutes nos tentatives pour nous faire comprendre furent vaines. De guerre lasse, nous finissons par composer nos assiettes au hasard. Et dire que chez nous, le dernier des quidams est capable de "baragouiner" au moins trois langues ! Après le repas, nous prenons le temps de nous promener dans les rues et d'acheter quelques souvenirs. L'aménagement urbain est optimisé, et pas un centimètre n'est laissé au hasard. Les commerces sont achalandés, les prix bas, mais la qualité souvent douteuse.
Vers 15 heures, nous quittons la principauté par sa frontière sud. Hormis les montagnes et de beaux paysages, pas grand-chose n'a retenu notre attention. Les Andorrans ne sont pas froids mais distants.
Nous entrons en Espagne et nous nous arrêtons dans la ville de La Seu d'Urgell. Pas âme qui vive ; les habitants sont en train de faire la sieste. Il fait une chaleur étouffante. Quel contraste ! Là-haut la neige et ici la chaleur. Tous les commerces ont baissé le rideau, à l'exception d'une vieille dame qui propose des tickets pour un spectacle de marionnettes à l'entrée d'un théâtre. Ne nous attardons pas, reprenons la route !
À quelques kilomètres, à la sortie de la ville, un barrage de la Guardia espagnole nous rappelle les années 90 en Algérie. Visages fermes et sévères, les agents contrôlent systématiquement chaque véhicule. Une herse barre la route pour ne laisser passer qu'une voiture à la fois. Arrive notre tour, on nous scanne du regard puis on nous laisse passer. Les petites villes se succèdent le long de la N260 : El Pont de Bar, Martinet, Bellver de Cerdanya, Bolvir, Puigcerdà, avant de revenir en France. Sur toute la route, à gauche les montagnes, et à droite, le paysage est steppique, presque désolé. Tous ces hameaux et villes ont conservé leur cachet architectural, harmonieusement incrustés dans le relief.
Nous sortons d'Espagne et, trois kilomètres plus loin, nous tombons sur une ville... espagnole ! Une enclave espagnole en France. Quelle surprise ! Elle s'appelle Llivia. C'est une découverte pour nous. Nous décidons d'y passer la nuit car le lendemain, notre programme est de nous rendre pour un bain chaud en pleine forêt du côté de Thuès-Entre-Valls.
Retour à Ax-les-Thermes le jour d'après dans l'après-midi par la RN 20. Les constructions et les chalets qui surplombent l'itinéraire sont somptueux. Les camions à gros tonnage sont légion et la prudence est de mise. Des cascades à n'en pas finir ornent les flancs des montagnes et offrent à l'œil avide des scènes édéniques.
Arrivés au col de Puymorens (1920 m), le spectacle est désolant : d'anciens restaurants routiers tombent en ruines, abandonnés, des poubelles débordent et des sacs plastiques jonchent les alentours. Même le manteau neigeux sur les abords de la route est sale. C'est sur cette note négative que nous bouclons la boucle et rentrons de ce voyage dans les Pyrénées.