La ballade de Goethe.

Pour compléter notre article de la semaine passée et approfondir notre propos, nous vous proposons aujourd’hui de (re)découvrir Le Roi des Aulnes de Johann Wolfgang von Goethe. Dans cette célèbre ballade, écrite en 1782, le grand poète et dramaturge allemand confère au "Roi des Aulnes" un rôle sombre et inquiétant, faisant de cet être mystérieux une incarnation des peurs profondes liées à la forêt. L’arbre qui lui donne son nom, l’aulne, pousse en bordure de marécages, souvent enveloppé de brume. De loin, son allure peut sembler fantomatique, presque menaçante — une image qui nourrit les légendes et l'imaginaire collectif.

Goethe donne ainsi à la nature un visage à la fois enchanteur et terrifiant, mêlant fascination et effroi. Dans ce poème, la forêt n’est plus seulement un espace de vie ou de ressources : elle devient un théâtre de l’angoisse, un lieu où se joue une lutte invisible entre le monde réel et celui des forces obscures.

Voici quelques vers introductifs, tirés d’un passage évocateur :

"Dans la forêt du charme et des merveilleux rites
Gnomes compatissants, pendant que je dormais,
De votre main, honnêtes gnomes, vous m’offrîtes
Un sceptre d’or — hélas ! pendant que je dormais."

Puis suit la ballade, traduite en français, où le dialogue angoissé entre un père et son fils prend la forme d’un crescendo tragique. L’enfant, emporté par la fièvre ou la peur, perçoit une présence surnaturelle — celle du Roi des Aulnes — tandis que le père, rationnel, tente de rassurer et de protéger son fils. Mais il est déjà trop tard :

"Le père frissonne d’horreur, il chevauche promptement,
Il tient dans ses bras l’enfant gémissant.
Il parvient au village à grand effort —
Dans ses bras, l’enfant était mort."

Ce poème, profondément symbolique, reflète l’ambivalence du rapport que l’homme entretient avec la nature : tantôt protectrice, tantôt menaçante, elle suscite à la fois émerveillement et crainte. Le Roi des Aulnes nous rappelle que l’imaginaire forestier est chargé de mystères, d’émotions archaïques, et de récits où le surnaturel surgit au cœur même du réel.