Nous sommes à J-8 de la rentrée scolaire. Et si nous profitions de cette occasion pour inviter les enseignants, une fois n'est pas coutume, à mettre de côté la note du ministère pour aborder, en guise de sujet de rentrée, les questions délicates liées à la nature et à l'environnement! Oser poser des questions sur la nature à nos enfants, c'est les inviter à y réfléchir, en plus de pouvoir évaluer le divorce presque consommé entre les êtres humains et leur environnement -vous verrez!- dont le niveau de connaissance de nos gamins est le témoin et/ou le révélateur.
Demandons-leur de nous dire combien de brebis une vache met-elle au monde chaque année, si les poules hibernent en hiver ou au printemps, de quel côté se couche le soleil et se lève la lune, avec quels ingrédients usinent-on notre pain quotidien, etc. Et nous pouvons continuer ainsi cette litanie jusqu'à l'infini. Nous verrons combien nous serons effarés par la plupart des réponses, y compris dans le plus montagnard et le plus reculé de nos villages.
L'éducation théorique des enfants par les livres (et internet depuis quelques années), peut permettre la connaissance et le savoir sans pour autant stimuler leur capacité à faire face à l'inconnu, à affronter des situations inattendues, ni permettre un développement de leur inventivité, et encore moins aiguiser leurs réflexes.
Seule une immersion réelle dans la nature peut obliger les enfants à porter leur attention sur des instants vrais : tendre l'oreille au ruissellement de l'eau, écouter piailler les oiseaux, observer le mouvement des feuilles des arbres lorsqu'elles viennent à se détacher pour planer avant de se poser, sentir l'odeur de la terre après le passage d'un orage, décrire les courbes et les couleurs des paysages comme pour les reproduire sur une toile, cueillir un champignon et apprendre à le cuisiner...
Les enfants, en partie par notre faute, ont fini par oublier ce qu'est le "vagabondage" dans la nature, les rêveries sur les cimes de montagnes, les promenades dans les bois, les courses folles, cheveux au vent, dans les prés, les chevauchées à travers les collines. Ils en sont réduits à rôder autour des habitations, et, pour les plus chanceux, à jouer dans l'enceinte d'un parc municipal sans rosée matinale.
Mais que fait-on de la part du rêve? Comment entretenir notre mémoire et transmettre nos souvenirs sans frotter vraiment nos chérubins à leur environnement naturel?
À propos de mémoire, je me souviens qu'étant enfant, je passais le plus clair de mon temps après les heures d'école, avec beaucoup de mes camarades, dans les bois. Beaucoup d'adultes, à l'époque, qualifiaient par ignorance ou simple méchanceté, nos escapades de vagabondage ( comprendre clochardisation ). Aujourd'hui, je peux témoigner que toutes ces heures passées à loisir dans les milieux naturels m'ont été - et me sont toujours- d'un réel apport.
Vivement que nos maîtres d'école comprennent qu'une sortie hebdomadaire de deux heures dans la nature participerait de l'éducation de leurs élèves à en prendre soin dans le futur, mais aussi à faire d'eux des citoyens entreprenants et dynamiques.
Et, à l'endroit des parents, je dirai ceci : laissez vos enfants aller sous la pluie, permettez au soleil de tanner leur peau, aux ronces de les griffer, dites-leur de courir avec le vent! Vous verrez qu'ils libéreront tant et tant de force et d'énergie qui, bien canalisées, feront d'eux les adultes de demain, des hommes et des femmes hors du commun.
La nature, non seulement embellit les hommes, mais elle les forme aussi, les instruit, les forge et les endurcit.
- Cet article a été publié la première fois en septembre 2011.