Les neiges épaisses et incessantes qui se sont abattues sur les montagnes d'Algérie ces derniers jours, en particulier dans le Djurdjura, nous interpellent fortement par leurs conséquences. Il convient de souligner ici, avec objectivité, tout ce que nous avons observé au cours de ces journées difficiles. Car même si les habitants des montagnes sont coutumiers des rigueurs climatiques, ce n'est pas chaque année que la neige tombe en abondance pendant plusieurs jours, atteignant par endroits plus de deux mètres. De nombreux villages sont restés isolés du monde, sans aucune communication pendant tout ce temps.
C'est dans de tels moments de crise nationale que nous avons l'occasion de mesurer le niveau de civilisation d'un peuple ou d'une nation, en fonction de sa capacité à se surpasser et à transcender les calculs mesquins habituels.
Comme à son habitude, l'État n'a pas mobilisé ses ressources majeures, préférant ignorer ce qui, après tout, relève simplement d'un phénomène naturel dont les dirigeants ne sont pas responsables. Cependant, ils ont la responsabilité de gérer les conséquences et d'organiser les secours. Les vies humaines n'ont pas de prix, même lorsque nous sommes confrontés à des situations difficiles, ce qui n'est pas le cas ici.
Mis à part quelques initiatives isolées prises par l'armée, dont l'engagement mérite d'être salué, et la mobilisation habituelle des services de protection civile dans de telles circonstances, nous n'avons pas vu d'hélicoptères survoler les zones montagneuses pour larguer des provisions ou évacuer les malades. Nous n'avons pas non plus constaté d'efforts mécaniques pour aider les villageois pris au piège. L'État centralisateur a préféré déléguer toute la charge aux collectivités locales, sachant pertinemment qu'elles sont presque démunies.
Aucune cellule de crise n'a été mise en place par le gouvernement, et aucun ministre ou représentant local n'a réagi ou daigné se déplacer. On pourrait croire qu'ils étaient tous en vacances.
L'absence de solidarité des autres régions épargnées par les intempéries et des grandes villes où aucune compassion n'a été exprimée est frappante. Cela témoigne de la profonde déliquescence de la société algérienne, aliénée par cinquante années d'une idéologie unificatrice qui a semé la haine et la division. Ces moments difficiles devraient servir à renforcer les liens, aussi fragiles soient-ils. Malheureusement, personne n'y a pensé.
En revanche, en Kabylie, malgré les difficultés et la détresse, les habitants sont restés dignes et solidaires. Ils ont partagé ce qu'ils pouvaient, démontrant ainsi une belle attitude, contrairement à ceux qui aiment donner des leçons.
Pour appuyer mes propos, voici un SOS lancé par un internaute des Ouacifs sur un réseau social :
" Allô le monde ! L'ADSL et l'électricité sont revenus brièvement, donc je profite de l'occasion, depuis l'igloo que ma maison est devenue, pour crier à l'aide ! Plus d'électricité, plus d'eau (les tuyaux ont gelé et éclaté), plus de gaz pour faire fondre la neige... Nous demandons un approvisionnement immédiat en gaz butane, c'est une question de survie ! DU GAZ POUR LA KABYLIE !"
J'espère que Djamal L., l'auteur de cet appel à l'aide, s'en est sorti indemne. L'excès de neige a également révélé les carences de ceux d'entre nous établis dans d'autres régions d'Algérie et à l'étranger, en termes d'organisation sociale et politique horizontale, transcendant les clivages. Nous nous sommes tous sentis impuissants, mais nous avons la capacité d'agir. C'est une occasion de faire notre examen de conscience et de changer les choses à l'avenir.
Dans les villes de Kabylie, certains commerçants sans scrupules ont profité de la détresse des gens en multipliant les prix des produits de première nécessité par trois. Les pénuries, dont l'État et les acteurs économiques sont entièrement responsables, ont conduit à des disputes entre citoyens pour des bougies ou des bonbonnes de gaz. À quoi servent les prévisions météorologiques si ce n'est pour alerter la population et permettre aux autorités de prendre des mesures préventives ? Pourquoi n'a-t-on pas tiré les leçons de la tragédie de Bab El Oued, il y a plus de dix ans ?
Mais ce ne sont pas seulement les humains qui souffrent, les animaux aussi. Il est à noter que dans d'autres régions du monde, les chasseurs cessent de chasser lorsqu'il gèle, parfois même sous la contrainte de la loi. Certains nourrissent même les oiseaux pour les aider à survivre. En revanche, en Kabylie, certains profitent de la détresse des animaux pour les piéger. Ces comportements doivent évoluer. Un véritable chasseur doit respecter la faune et lui donner toutes ses chances avant de la chasser.
Une fois la tempête passée et les dégâts réparés, les habitants des montagnes tireront certainement les leçons de cette expérience pour éviter qu'elle ne se reproduise. Tout dépend de nos actions. Rien n'est joué d'avance.