(Oum Settas et son environnement: un sanctuaire au milieu des terres agricoles et de belles vues sur toute la région)
À 11h30, c'est la pause-déjeuner, sur un rocher qui domine la carrière de Benbraham et l'ex-asile de vieillards de Benbadis. Alors que nous commençons à préparer nos casse-croûtes à base de fromage et de cachir, à notre gauche sur la ligne de crête rocheuse, à moins de 500 mètres de nous, un chacal nous épiera pendant tout le temps que va durer notre repas. Dans le ciel également, un beau spectacle: un couple de Milan Royal (H'daya) fait une démonstration de sa maîtrise des airs. Sur les axes routiers, la circulation est presque à l'arrêt en cette mi-journée de vendredi, journée de repos et de prière. Même les carrières marquent une trêve à ce moment.
À notre départ de ce lieu, ne reste de notre passage que la mie et les morceaux de pain que nous laissons à notre aimable visiteur du jour, ou peut-être pour les grands oiseaux qui font la parade dans les nuées.
À partir de ce lieu également, la végétation ligneuse commence à se raréfier. Ce plateau est une zone de parcours à base de plantes annuelles ( graminées et autres), très caillouteux, avec affleurements rocheux, où il est difficile de marcher. À chaque instant, on peut tomber et se fracturer. C'est ce qui caractérise toute cette traversée. Plus loin, en altitude, la végétation reprend ses droits. De cette station, nous avons une vue sur la région de Bounouara et ses environs, ainsi que d'une grande carrière au pied d'un petit massif dénudé qui n'est pas visible par l'axe routier El-Khroub/ Ain-Abid.
( Une carrière bien implantée dans une portion du massif sans aucune valeur écologique, loin des habitations et des voies de circulation, ce qui est loin d'être le cas pour la majorité des carrières de Ain-Abid et Benbadis)
Cette zone est également un lieu d'histoire livré à l'abandon et à la destruction. En effet, les dolmens sont vandalisés par la fouille des tombes et la détérioration de ces monuments mythiques. Rares sont ceux restés encore en bon état, et si rien n'est fait il ne restera guère plus que des tas de grosses pierres.
Il est 15 heures 30, le groupe commence à patiner, surtout notre forestier. Il s'est cogné à un rocher ou s'est pris une épine profonde au niveau d'un membre inférieur et la marche devient pour lui, très pénible.
Dans notre progression, nous entamons une pente et la végétation devient plus dense et plus variée. Tout le groupe est attiré par la présence d'un couple de Huppe faciée ( Upupa epops) qui est signalé comme oiseau migrateur et qui vient en Algérie pour se reproduire. De cette partie luxuriante et afin de commencer à trouver un chemin de sortie de ce grand massif Constantinois, nous nous approchons du versant qui domine la route d'El-Khroub. Au-delà, nous entamons une descente abrupte de ce versant, avec une multitude de carrières en aval.
Difficilement, nous nous frayons un chemin dans cette rocaille et végétation sauvage quand notre regard est attiré une seconde fois par de grands oiseaux qui dominent les cieux. Il s'agit de plusieurs couple de vautours percnoptères (Neophron percnopterus) titillés par le Faucon crécerelle ( Falco tinnunculus). Là doit se situer le territoire de nidification de ces charognards, à proximité de l'assiette de concession de carrière, délimitée par de grands fûts. Donc, à moyen terme, cet habitat sera détruit par l'exploitation de la carrière. L'espace de nos rapaces qui se réduit et la pollution du milieu influent directement sur ces espèces qui sont au sommet de la chaîne alimentaire, par leur diminution et même par leur disparition à court et moyen termes, si ces habitats ne sont pas protégés par une loi.
Au bas du talus, nous débouchons sur l'une de ces grandes carrières qui ceinturent le massif. Depuis un certain temps les concessions pleuvent à un rythme accéléré et ce milieu ne devient que détonations et poussière. Même un figuier qui garde encore son feuillage, voit ses feuilles recouvertes par une carapace formée par des poussières de roche. Les alentours des concasseurs sont jonchés d'une épaisse couche de poussière très fine au toucher. Elle doit être très nocive pour les travailleurs dépourvus de protection adéquate ( voir le drame des tailleurs de pierres de T'kout dans la wilaya de Batna).
À la sortie des carrières, une source imposante à fort débit, sous l'ombrage d'un platane majestueux et au grand port. Nous profitons pour nous rafraîchir et remplir nos bouteilles d'eau que nous ramenons avec nous à la maison afin d'échapper un peu à l'eau de nos robinets. De nos jours, en Algérie, pour leur consommation, les gens préfèrent s'alimenter au niveau des sources de leurs région et ce, pour diverses raisons.
(Un dolmen encore debout, qui n'échappera pas longtemps à la bêtise humaine avec le risque de faire disparaître un pan de l'histoire de la région de Bounouara, commune de d'O. Rahmoune)
La sortie étant terminée, le calvaire pour rentrer à Constantine commence. Nous sommes un vendredi et il est 17 heures, devant une station de bus sur l'axe routier Benbadis/ El-Khroub. Le ciel se voile de nuages lourds et noirs et une averse importante pourrait tomber d'un moment à l'autre. Aussi, à chaque apparition d'un véhicule, nous essayons de faire de l'auto-stop. Il nous faudra au moins une demi-heure d'attente pour qu'un jeune veuille s'arrêter et nous conduire jusqu'à El-Khroub.
Dès que nous arrivons dans l'agglomération, un des grands souks d'Algérie, une forte pluie commence à tomber. Nous sommes déjà trempés avant de pouvoir dénicher un café où nous mettre à l'abri. Nous rentrons enfin dans un établissement tout mouillés et chacun, selon ses goûts, commande qui un café, qui une limonade, qui un jus avant de reprendre notre chemin du retour. Quelle galère!
An niveau de la rue principale, à la sortie de la ville, nous reprenons de nouveau l'auto-stop, car à la station des bus toute proche, il n'est plus indiqué de départs pour Constantine et ce, malgré la présence d'une foule importante. Point de service public donc. La pluie continue de tomber par intermittence et nous sommes vraiment mouillés. Nous commençons à nous lamenter quand une connaissance de notre horticulteur s'arrête à notre niveau pour nous emmener vers le ville du Vieux Rocher.
Tout le groupe est content après une journée bien remplie dans le massif d'Oum Settas. Cette sortie ainsi que ce compte-rendu sont un message pour les parties concernées, pour une meilleure maîtrise du terrain, à savoir protection de nos ressources naturelles et développement. D'après ce que nous avons pu observer sur le terrain, avec une meilleure connaissance des différents composants du massif, il est possible de dégager des sites exclusivement pour les concessions des carrières d'agrégats qui sont déjà nombreuses, qu'il faudra optimiser leurs rendements et les processus d'extraction pour parvenir à diminuer les nuisances et sauvegarder de la sorte ce grand sanctuaire de la biodiversité de la région de Constantine, au même titre que le site du djebel Zouaoui et sa région.
De cette approche citoyenne et responsable, notre wilaya sortira grandie pour mener la bataille du progrès et de la préservation des ressources primaires pour les générations futures qui ne seront plus de simples slogans de salon, mais une réalité sur le terrain décelable par tous.
Contribution citoyenne
Par Abdelouahab Karaali
Association "El Mebdoue" d'Ibn-Ziad
Constantine, le 16/04/2010.